Inflation et retards de livraison : la crainte de chantiers à l’arrêt 

Philippe Joubeaux : Après une année 2019 en hausse de 4,13 % en données corrigées, l’exercice 2020 avait démarré de façon très dynamique. Sur janvier-février, l’indice de la FND était proche des +6,7 %. Après un plongeon généralisé en mars et avril, l’activité s’est redressée pour rebondir nettement dès l’été : à +9,6 % en juillet et +10,3 % en août. Elle est ensuite restée nettement dans le vert jusqu’à la fin de l’année grâce à la bonne tenue des affaires en diffus et en rénovation.

À la faveur du premier confinement, l’engouement des ménages pour le confort et l’amélioration de leur logement s’est intensifié ; ce qui a contribué à alimenter les ventes en paint et outillage sur le segment de la rénovation. En dépit d’un boom spectaculaire en décembre (+12,6 %), la profession a clôturé l’année sur un repli de 3,3 % en données corrigées. Mais ce chiffre ne reflète pas une situation homogène selon les typologies de négoce. Si les réseaux intégrés n’ont globalement pas pu rattraper les volumes perdus au début du printemps, des indépendants de taille plus modeste ont réussi à très bien tirer leur épingle du jeu.

Ph. J. : À fin mars, l’indice trimestriel de la FND était à +25,7 % par rapport au premier trimestre 2020, mais surtout à +11,5 % comparé à la même période en 2019, qui avait été une année excellente pour la distribution en termes d’activité et de résultats. Sur le premier semestre, la profession reste sur une croissance assez forte avec de bons niveaux de commandes déjà enregistrés depuis le début de l’année.

Ph. J. : À l’instar des autres filières du Bâtiment, nos marchés sont fortement impactés par les hausses tarifaires depuis l’automne 2020. Tous les univers produits sont concernés. En moyenne, l’inflation est de +4 % à +5 % en paint, et jusqu’à +20 % sur des familles de produits d’isolation. Les fabricants envisagent une 3^e vague de hausses à la rentrée. Jusqu’en juin, la distribution a, dans l’ensemble et dans la mesure du possible, reporté ces hausses tarifaires. Sur le moyen terme, la situation n’est pas tenable car elle pénalise nos marges principalement sur les familles de produits courantes.

Sur les approvisionnements, la profession se heurte à une politique de quotas des fabricants, afin de gérer au mieux les pénuries. Mais les tensions s’intensifient en paint, revêtements de sol et électroportatif notamment, avec des délais de livraison souvent rallongés de deux à trois semaines, mais qui peuvent aller jusqu’à huit semaines, voire plus selon les familles de produits.

Cette spirale a déjà commencé à perturber les plannings de travaux sur l’ensemble de la chaîne de production et se répercute bien sûr sur les lots finitions où 20 à 30 % des chantiers pourraient très vite être à l’arrêt. Les appréhensions sont fortes dès l’automne et pour le premier trimestre 2022, d’autant que les messages de hausses tarifaires restent encore souvent difficiles à faire passer auprès des entreprises clientes.

Ph. J. : En vue de l’entrée en vigueur le 1^er janvier 2022 de la REP (responsabilité élargie du producteur) Bâtiment, 26 acteurs – dont Forbo, Gerflor et Tarkett – ont créé l’éco-organisme Valobat pour collecter la taxe affectée sur les produits et matériaux de construction du bâtiment, et financer le déploiement d’un réseau de collecte gratuit et de valorisation des déchets. L’obligation de collecte qui couvre un périmètre multimatériau, concernera les agences de plus de 1 500 m² de surface de vente et 1 M€ de CA.

Parmi les réseaux adhérant à la FND, la très grande majorité de leurs points de vente ne sera pas assujettie. Pour l’instant, notre filière se focalise sur la collecte des déchets diffus spécifiques (DDS). À travers cette démarche volontaire et soutenue par notre fédération dans le cadre de l’extension de la REP DDS, plus de 500 points de vente de plus de 200 m² ont déjà mis en place le dispositif Rekupo développé par l’éco-organisme ÉcosDDS : des points de collecte gratuits et sécurisés.

Les flux de déchets des métiers de la finition sont très dispersés et non homogènes (peintures, solvants, colles, sols textiles ou PVC…). Mais la démarche Rekupo doit rendre équitable la façon dont doivent être traités les déchets quelle que soit la taille des agences. Elle vise aussi à permettre d’industrialiser localement le recyclage et d’intensifier les boucles d’économie circulaire chez les fabricants et pour les MDD des enseignes.

Ph. J. : Fin 2019, la FDME et la Fnas ont créé la Confédération des distributeurs professionnels du Bâtiment et de l’Industrie (Geod) que nous avons rejointe le 15 juin dernier. Dans la filière de l’appro du second œuvre, les événements qui se sont enchaînés depuis le début 2020 ont renforcé l’urgence et la pertinence pour les fédérations de ces secteurs de se réunir pour parler d’une seule voix sur les dossiers transversaux, notamment en matière sociale, juridique, fiscale, transport, logistique et environnementale. Si nous gardons tous la main sur la gestion de nos spécificités métiers, Geod permet de peser davantage sur nos environnements professionnel et institutionnel face aux enjeux majeurs qui vont impacter le quotidien des négoces à court et moyen termes : la loi Agec (économie circulaire), la REP Bâtiment, la RE 2020 ou encore la loi Climat & Résilience.

Ph. J. : Cet événement national qui se déroule le 14 septembre à Paris, est attendu par tous les acteurs de la filière qui ont besoin et envie de se retrouver dans la “vraie vie”. Nous y présenterons les résultats concrets des projets annoncés il y a deux ans : l’indice Éco Data, un bilan d’étape de notre seconde campagne nationale à 360° “Les Pros de la Déco, c’est nous”, lancée au printemps (plus de 50 000 vues qualifiées sur nos réseaux sociaux), la montée en puissance du Club Partenaires (plus de 100 membres), le digital et l’e-commerce. Propos recueillis par Stéphane Vigliandi