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Qualité de l'air intérieur : on en parle ou on agit ?

Jérémy Becam
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Une meilleure qualité de l’air intérieur permet tout à la fois d’améliorer la santé et le confort des occupants, de réduire leur facture énergétique et d’éviter la dégradation du bâti. Mais peut on se féliciter de réelles avancées en la matière ?

Les médias et les experts affirment que ces dernières années, la prise de conscience des enjeux liés à la qualité de l’air intérieur (QAI) dans les bâtiments a bien évolué. Directement concernés, les professionnels de la santé, de l’éducation et de la construction sont de plus en plus sensibilisés au besoin d’agir pour rendre la QAI acceptable. Pourtant, ce sujet de santé publique n’a pas encore rang de priorité, ni pour les autorités, ni pour le grand public (voir ci-contre).

Retards au diagnostic

Force est de constater que les outils manquent encore pour suivre la qualité de l’air dans les espaces publics, les logements et les bâtiments privés. C’est que le temps nécessaire aux études et à la mise en place des outils paraît long au regard des enjeux. Citons cependant à l’actif de l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur (OQAI, créé en 2001 par les pouvoirs publics), la campagne de mesure de la QAI* et du confort menée de 2013 à 2017 dans 301 écoles, dont les premiers résultats ont été livrés en juin dernier. Le 3e Plan National Santé Environnement (PNSE) est à l’origine d’un “Plan d’actions sur la qualité de l’air intérieur” engagé en 2013 parles ministères de l’Environnement et de la Santé, avec des résultats qui se concrétisent peu à peu. Le 4e PNSE, bientôt dévoilé, positionnera-t-il la QAI comme un enjeu majeur pour la période 2020-2024 ? Les politiques ne sont pas bavards sur le sujet… Depuis 2015, une Journée nationale de la qualité de l’air (extérieur et intérieur)informe tout de même le public, et des Assises de la qualité de l’air explorent de nouvelles pistes chaque année. En septembre 2018, lors de la 4e édition, la députée de l’Isère, Marjolaine Meynier-Millefert, a rappelé que la QAI était un enjeu fort du Plan de rénovation énergétique de l’habitat dont elle est co-animatrice. Pour elle, l’amélioration de la ventilation des logements doit aller de pair avec leur rénovation énergétique. En effet, améliorer l’isolation et l’étanchéité à l’air des bâtiments « fuyards » limite du même coup leur ventilation naturelle. « Pas de rénovation sans ventilation », devrait être le slogan des installateurs. Nous n’en sommes pas encore là, mais avec la montée en compétence des entreprises, ça pourrait ne plus tarder.
● Dossier réalisé par E. Jeanson
* 64 polluants recherchés dans l’air et 53 dans la poussière au sol.

[PHASE CHANTIER] Réduire l'impact à la construction

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Quel est l’impact des modalités de stockage des matériaux, des émissions et interactions des produits utilisés pour la pose, des processus de mise en œuvre sur la qualité de l’air intérieur ? Les premiers résultats d’Ichaqai (voir interview ci-contre) montrent des risques de développement de moisissures en phase chantier, qui peuvent réapparaître en phase d’exploitation du bâtiment. Divers contaminants chimiques ont pu être associés à certaines phases et activités, ce qui facilite l’interprétation des résultats de mesures QAI une fois le bâtiment réceptionné. Enfin, les retours d’expérience révèlent des non-conformités récurrentes dans la mise en œuvre des systèmes de ventilation. Dans le prolongement d’Ichaqai, Inddigo va lancer le projet Mycobat, dédié à l'humidité et à la contamination fongique. ●

[3 QUESTIONS À...] Pierre Deroubaix, du service Bâtiment de l'Ademe

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Zepros : Quels sont les outils récents pour améliorer la QAI ? Pierre Deroubaix : Pour les écoles et établissements, qui sont soumis à la réglementation, l’Ademe a publié la mise à jour d’Ecol’air, une mallette regroupant 15 fiches techniques et 2 guides, afin d’accompagner l’ensemble des intervenants dans la mise en œuvre de solutions pratiques pour améliorer la qualité de l'air intérieur et ainsi limiter les risques sanitaires dans ces établissements.
Zepros : Et pour ce qui concerne la construction elle-même ? P. D. : La phase chantier est déterminante pour l’obtention d’un bon niveau de qualité de l’air intérieur. Le projet Ichaqai (Impact de la phase chantier sur la qualité de l’air intérieur), qui réunit des chercheurs en santé publique et des professionnels de la construction comme Inddigo, a débuté en 2015 et arrive à son terme. Il étudie les éléments qui, pendant la phase chantier, peuvent avoir un effet néfaste sur la qualité de l’air intérieur du futur bâtiment, notamment par des mesures de qualité de l’air réalisées tout au long de deux chantiers de construction neuve. À la suite de l’analyse des pratiques constructives, Ichaqai va apporter des réponses concrètes aux professionnels du Bâtiment. Quatre-vingt-dix-sept solutions préventives et/ou correctives sont identifiées à ce jour. L’AQC (Agence Qualité Construction) va aussi publier une plaquette de sensibilisation sur l’optimisation des pratiques en phase chantier pour améliorer la qualité de l’air intérieur, ainsi qu’un guide méthodologique. Zepros : Coordonnez-vous des actions de formation ? P. D. : Oui, un Mooc ventilation /QAI, qui s’appuie sur le centre de ressources “batiment-ventilation.fr” mis en place fin 2018 par le Cerema * et le Cetiat**, sera accessible gratuitement, dès le 12 mars 2019, depuis la plateforme Mooc Bâtiment Durable. Ce cours en ligne ouvert à tous concerne d’abord les professionnels du Bâtiment, actuels et futurs, mais aussi les particuliers pour la partie qualité de l’air intérieur.
* Centre d’études et d’expertise sur les risques; l’environnement, la mobilité et l’aménagement. ** Centre technique des industries aérauliques et thermiques

[FORMATION & INFORMATION]

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• Les entreprises peinent à se former en QAI
On a beaucoup parlé du métier de ventiliste, qui n’a jamais vu officiellement le jour. Le lot ventilation est pris en charge par différents corps de métier, électriciens, chauffagistes, spécialistes de l’ossature bois ou de l’isolation. La formation initiale intègre cependant des éléments de ventilation et QAI aux bacs pros et formations des CFA depuis deux ans. En formation continue, les organismes proposent des formations d’un à trois jours sur la QAI, en lien avec la ventilation : le CSTB, Afortech et, bien sûr, les principaux fabricants d’équipements de ventilation sont très actifs sur le sujet, dans leurs centres de formation mais aussi lors de sessions “on the road” ou au sein des entreprises. Les formations vont de l’information de base à la spécialisation sur un type de matériel. Le campus Zehnder, lieu de formation, est d’ailleurs un bâtiment exemplaire en matière de qualité d’air intérieur.
• Les Ateliers Airbat : phase test concluante
Sensibiliser les acteurs d’un projet de construction à la QAI , c’est le pari de l’Ademe qui a mis au point avec Medieco, une session d’information de 1 h à 1 h 30, dispensée à la demande du maître d’ouvrage à tous les corps de métier lors d’une réunion de chantier ordinaire. Expérimentée sur 6 chantiers, la formule devrait être proposée plus largement dans le courant 2019. Sont abordés la maîtrise de l’humidité, la limitation des émissions de COV et le renouvellement d’air. « Pionniers en santé environnementale, nous avons testé avec la Capeb et la FFB des formations aux entreprises sur la QAI, mais il s’avère difficile de les faire venir », admet Claire-Sophie Coeudevez, co-fondatrice de l’organisme de formation et conseil Medieco. « Par contre, ces ateliers de sensibilisation les intéressent ! », ajoute-t-elle.

[INNOVATION] Des équipements dans le vent

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Les industriels leaders de la ventilation sont sans doute ceux qui font vraiment bouger les lignes, en faisant évoluer leurs gammes pour répondre aux préoccupations de qualité d’air intérieur et en formant les installateurs au fur et à mesure.Du côté des VMC simple flux, qui dominent largement le marché, citons Easy Home Pure Air connect, d’Aldes, une solution de purification d’air à détection multi-polluants.Le fabricant sort aussi en janvier 2019,Walter,une unité intérieure pour mesurer COV, CO2, humidité et particules fines. Connectée au système de ventilation simple ou double flux, elle pilotera l’installation en fonction des besoins de dilution des polluants. Nec plus-ultra de la filtration de l’air, les VMC double flux affichent des niveaux de filtration redoutables (l’InspirAir Home d’Aldes dispose de trois filtres différents, les systèmes haute performance de Zehnder (en photo) retiennent quasiment tous les pollens, poussières et substances potentiellement dangereuses), mais malgré sa progression, cette technologie peine à dépasser les 3-4 % de part de marché.

[CERTIFICATION] Un label QAI pour le neuf

Certains labels tels que Breeam, Leed, ou HQE valorisent le bâtiment par un affichage de sa QAI. Un tout nouveau label, lancé il y a tout juste un an par l’Association de promotion de la qualité de l’air intérieur (Apqai),lui est carrément consacré ! Délivré par Immolab, ce label “IntAIRieur” est demandé par les promoteurs et bailleurs sociaux en amont du permis de construire. Il prend en compte les sources de pollution sur le site, implique les différents intervenants (charte transport et stockage des matériaux, propreté du chantier,conditions de mise en œuvre…), prévoit l’entretien et la maintenance et sensibilise les occupants aux bonnes pratiques. Quinze programmes sont engagés dans le processus de labellisation (plus de 1000 logements) et des projets sur appels à concours pourraient s’y engager une fois l’affaire emportée (pour environ 8000 logements).
Jérémy Becam
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