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Les pompes à chaleur cherchent à s'inscrire dans l'économie circulaire

Grégoire Noble
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[Zepros Energie] L’Afpac a commandité une étude afin de savoir comment s’insérer dans le nouveau paradigme de l’économie circulaire. Écoconception, réparabilité, rétrofit, économie d’usage ou de fonctionnalité... autant de concepts qui sont envisagés, mais qui devront trouver un équilibre économique, à la fois pour les industriels, installateurs et mainteneurs, mais également – et surtout – pour les utilisateurs finaux.

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Les pompes à chaleur sont en plein essor. Leur efficacité énergétique et leur principe de fonctionnement vertueux – qui consiste à capter des calories extérieures ou perdues pour les réutiliser où elles sont nécessaires – pousse à croire en leurs qualités environnementales. Cependant, comme toutes les machines humaines, la fabrication et la distribution de ces produits mécaniques ont un impact en énergie grise ainsi qu’un coût. Éric Bataille, le président de l’Association française pour la pompe à chaleur (Afpac), a donc lancé une réflexion globale sur la place de la filière dans « l’économie circulaire » qu’il souhaite être le début d’un grand mouvement. Et c’est François-Michel Lambert, président de l’Institut national de l’économie circulaire (Inec) qui répond : « Il y a la question de la consommation d’énergie et de la production de gaz à effet de serre. Celle de l’allongement de la durée de vie des produits et celle de la préservation des matières premières... Il y a donc plusieurs pistes : celle de l’économie d’usage ou de fonctionnalité, celle du remanufacturing, c’est-à-dire du retravail des éléments fonctionnels tout en conservant la structure ». Une tendance qui conduirait à introduire de l’innovation sans consommer trop de ressources.

Des machines perfectionnées mais simples à réparer ?


« Comment optimiser le cycle de vie et notamment l’efficacité matière ? », s’interrogent les experts de l’Inec. En intégrant davantage de matériaux recyclés, en améliorant la réparabilité des machines, en permettant la réutilisation de certains éléments ou en reconditionnant des PAC, par exemple. Mais tout n’est pas aussi simple : « En réduisant l’épaisseur de parois par exemple, pour utiliser moins de matière, on peut remettre en cause la résistance mécanique ou la durée de vie du produit », avertissent-ils. Tout devra donc être mis en balance. François Deroche, directeur marketing de Daikin, précise : « Une PAC est déjà recyclable à 95-98 %. Mais la qualité des matériaux est très exigeante, car ils subissent des contraintes mécaniques et thermiques. La réutilisation s’avère complexe pour garantir les propriétés de résistance. Toutefois, il est déjà possible de régénérer les réfrigérants notamment, pour les remettre en circulation après les avoir récupérés et traités pour les débarrasser des huiles et particules métalliques, pour les réexpédier ensuite ». Cependant, ces pratiques sont encore peu développées et nécessitent des adaptations et investissements, que ce soit pour la formation des acteurs ou la mise en place d’une logistique spécialisée.

Le vice-président de la Fnas, Jean-Pascal Chirat, assure que la distribution aura un rôle significatif à jouer : « Avec notre logistique, nos entrepôts, nous pourrions mener des actions de reconditionnement ou de repackaging. L’organisation va se mettre en place. Mais attention aux marges, il faudra structurer une offre avec une facturation des services à la clé ». Ce marché de la PAC d’occasion n’existe donc pas encore en France. D’autant que les aides publiques, encore abondantes pour s’équiper de neuf, n’incitent pas à se tourner vers des machines déjà utilisées. D’ailleurs, les industriels semblent plutôt s’orienter vers une logique d’intervention sur site plutôt que de retour des machines en atelier. Ils évoquent donc tous les progrès réalisés dans la télésurveillance des équipements connectés et le suivi à distance de leurs performances, voire de l’IA embarquée pour permettre aux PAC d’assurer leur autodiagnostic. Roland Bouquet, administrateur de l’Afpac, énonce : « La maintenance préventive est programmée, systématique, et reliée à un contrat d’entretien. En revanche, la maintenance corrective est palliative des dysfonctionnements et curative suite à des pannes ». Pour lui, la conception des appareils pose parfois problème pour accéder à leurs mécanismes internes. Il suggère aux industriels de penser les machines différemment, pour être mieux réparables. Soulignant le coût des interventions, avec un fluide facturé à 100 €/kg et des pièces détachées onéreuses (platine électronique à 1 000 € ou compresseur à 500 € minimum), Roland Bouquet estime qu’une facture dépasse vite les 1 500 €, posant problème aux ménages modestes. La filière des pompes à chaleur, voire celle de tous les systèmes actifs de production de chaleur et de froid, pourrait-elle s’inspirer du monde de l’automobile qui a su mettre en place un marché de pièces d’occasion vérifiées et reconditionnées ? Jean-François Cerise, autre vice-président de l’Afpac, rebondit : « Les process sont à modifier, en reproduisant l’organisation automobile avec des concessionnaires, des agents et des petits garages indépendants. Pourquoi pas ? Mais ce sera un très gros bouleversement ».

Acheter directement de la chaleur plutôt qu’une PAC


Autre possibilité, opter pour l’économie de la fonctionnalité, nouveau modèle économique très en vogue, pour développer le marché de la PAC dans le logement individuel. Les experts de l’Inec expliquent : « Le producteur ou le fournisseur reste propriétaire de l’équipement et il vend qualité et performance d’usage ». Les PAC se montreraient parfaites pour ce type de contrats puisqu’elles sont chères à l’achat et qu’il s’agit de produits complexes. La durée de vie des machines s’en verra rallongée puisque les propriétaires chercheront à exploiter ces actifs le plus longtemps possible et les maintiendront donc en bon état. Plusieurs types de contrats seront envisageables : le leasing simple, où chaleur et consommation d’énergie (électricité ou gaz) seront séparés. La performance d’usage, elle, réunira ces deux dépenses en une seule. Enfin, le forfait chaleur, sera lui réactualisé en fonction des conditions climatiques pour fournir une température garantie à l’habitation. Là encore, de nombreux points restent à éclaircir, qu’il s’agisse de contrat en cas de déménagement, d’assurance en cas d’impayés, de financement, de comportement ou d’organisation. D’autant que ce modèle de l’économie d’usage plutôt que de propriété s’avère nettement moins vertueux qu’il n’y paraît : une enquête de l’UFC-Que Choisir, menée sur l’électroménager, signale les nombreuses dérives qu’elle engendre : « La location longue durée constitue un véritable gouffre économique ». Les loyers attractifs et la promesse d’un SAV express entraînent une dérive qui, multipliée par le nombre d’années d’utilisation, amènent les consommateurs à payer 3 ou 4 fois le prix d’un engin au comptant. Ce mode de consommation participerait même à une « consommation exubérante » incitant les ménages à s’équiper inutilement de solutions surdimensionnées. Pas vraiment une démarche de développement durable...

G.N.
Grégoire Noble
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