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Gestion de l'eau : un plan d'urgence et des solutions

Jérémy Becam
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Eau

Un été 2022 caniculaire, une sécheresse historique cet hiver, les Français ont compris que l’eau était désormais rare et précieuse. Alors que le gouvernement a dévoilé le 30 mars son “Plan eau ” la gestion de cette ressource est devenue un enjeu capital autant pour les acteurs du secteur que pour les installateurs.  

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 « En 1996, un tiers des Français avait conscience des pénuries d’eau, aujourd’hui c’est le double, les gens ont plus conscience de la nécessité de cette ressource », explique Nathalie Davoisne, responsable des relations extérieures, médias et études au Centre d’information sur l’eau (Cieau). Il faut dire que la situation a particulièrement évolué ces dernières années et encore plus depuis la canicule de l’été dernier. « Il y a un avant et un après été 2022 avec une canicule, une sécheresse historique et un état des nappes très alarmants avec 80 % d’entre elles insuffisamment remplies. Un an plus tôt, ce chiffre n’était que de 50 %. Cette situation a entraîné des restrictions d’eau sur la quasi-totalité des départements. Cette tendance ne s’est pas inversée avec une sécheresse historique cet hiver, empêchant les nappes de se remplir. Aujourd’hui, la situation est extrêmement tendue », alerte-t-elle.

Le constat est sans appel : l’eau renouvelable disponible diminue en France. Elle s’est réduite de 14 % ces deux dernières décennies par rapport aux dix années précédentes et devrait encore décliner de 30 % à 40 % à l’horizon 2050. Pour tenter de résoudre cette situation, le président de la République, Emmanuel Macron, a présenté son “Plan eau” le 30 mars dernier. « L’eau est redevenue un enjeu stratégique pour toute la nation », a-t-il souligné. Les particuliers devraient au demeurant être aidés pour s’équiper de récupérateurs d’eau de pluie. Et la tarification progressive du prix de l’eau – les premiers mètres cubes étant les moins chers –, actuellement expérimentée dans plusieurs villes, devrait être généralisée. Au total, ce Plan eau a pour objectif de réduire de 10 % l’eau consommée en France d’ici à 2030.

Faire mieux avec moins

Le chef de l'État a listé cinq grands axes de travail : « accélérer la sobriété partout et dans la durée », « lutter contre les fuites », « investir dans la réutilisation d’eaux usées », « accompagner la transformation de notre modèle agricole » et « mettre en place partout une tarification de l’eau ». Sur le modèle d'Ecowatt pour l'énergie, Emmanuel Macron a annoncé la mise en place, d’ici à début mai, d'un “Ecowatt de l'eau”. Cet outil « va permettre de responsabiliser chacun ». À l’image des travaux de rénovation énergétique incités depuis de nombreuses années, les ménages, les collectivités et les industries devraient donc être amenés à réaliser des aménagements sur leurs installations sanitaires dans les années à venir.

Une opportunité pour les fabricants du secteur de la salle de bains mais aussi pour les professionnels du Bâtiment qui vont devoir être capable de proposer à leurs clients un plan pour réduire leur consommation sans pour autant délaisser leur confort d’utilisation. « Cette problématique n’est, pour le moment, pas une priorité pour les installateurs n’ayant pas forcément en tête l’ensemble des solutions existantes ni l’intérêt pour leur activité. Or, le gain budgétaire réalisé par les ménages avec ces travaux est un argument commercial important. Les professionnels peuvent ainsi valoriser leur expertise et leur savoir-faire avec des solutions techniques, économiques et intelligentes. Cela permet également de sécuriser un panier moyen avec des investissements plus importants de la part des ménages », souligne Claire Roucoulès, directrice du marketing et de la communication d’Hansgrohe France.

Et justement, les fabricants n'ont pas attendu pour proposer de telles solutions consommant de moins en moins d'eau sans compromettre le confort, à l'instar de Presto, comme le rappelle Thierry Vivier, son directeur marketing produits et communication :  « Notre gamme intègre des robinets qui ne consomment que 1,9l d’eau par minute, contre environ 9l/min pour des systèmes “classiques”. Ou encore un robinet temporisé (arrêt après 7 secondes) sans contact, à coût limité et interchangeable avec tous les robinets en raccord G1/2 ». Plus généralement, un travail important est fait au niveau des jets, tandis que les WC proposent de plus en plus la récupération et réutilisation des eaux grises. Ils ne reste plus à ces technologies qu’à être plus largement adoptées.

 

 

Avis d'expert : Serge Cunin, vice-président de l'UMGCCP

"La gestion de l'eau doit rester un marché pour les plombiers"

 

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Serge Cunin
Zepros : La gestion de l'eau est-elle un sujet majeur pour l'UMGCCP ?

Serge Cunin : C'est un sujet prometteur pour les activités des plombiers et l’UMGCCP s’y intéresse fortement. Une table ronde y sera par ailleurs dédiée à l’occasion de notre prochain congrès les 20 et 21 avril prochains. Elle abordera les sujets de l’économie, la récupération et la réutilisation des eaux. Cette problématique va apporter une plus-value aux installateurs en termes de travaux. Il va falloir intervenir sur les installations existantes mais aussi la mise en place de stations de traitement, de pompage ou de surpression. Cela va augmenter la demande des particuliers mais aussi des collectivités ou des industries.

Zepros : Ce domaine nécessite-il des formations et des compétences supplémentaires pour les installateurs ?

S. C. : L’hydraulique, c’est le cœur du métier des professionnels du secteur, que ce soit pour le calcul des débits ou l’installation des tuyauteries de récupération. La nouveauté, ce sont les technologies développées par les fabricants pour limiter la consommation des nouveaux équipements ou les nouvelles solutions à poser. La gestion de l’eau est un sujet présent depuis une dizaine d’années, les industriels ont développé de nombreuses technologies avec notamment des économies importantes au niveau de la douche, équipement le plus consommateur. Il y a aussi un travail important sur la robinetterie temporisée. L’enjeu est de consommer moins sans pour autant négliger le confort, bien au contraire. Au niveau des WC, des solutions sont apparues pour utiliser de l’eau de pluie ou des eaux grises mais c’est loin d’être démocratisé. La problématique reste le coût de la mise en place de toutes ces installations.

Zepros : La présentation du Plan eau par le gouvernement va-t-il accélérer ce marché ?

S. C. : L’UMGCCP est persuadée que cette annonce va entraîner la mise en place d’une loi sur l’utilisation de l’eau par les usagers. Le Législateur va développer une tarification progressive de l’eau avec des premiers mètres cubes à un certain prix, puis à un prix plus élevé au-delà d’un certain niveau. Il va ainsi falloir trouver et installer des solutions techniques pour réduire la consommation des utilisateurs. C’est une opportunité pour les fabricants et les plombiers qui doivent travailler de concert à travers nos organisations syndicales. Il faut absolument que ce marché reste aux installateurs qualifiés et non à d’éventuels éco-délinquants comme nous avons pu le voir sur certains nouveaux marchés. De nouvelles normes entraînent généralement de nouvelles aides en faveur des consommateurs finaux. Nos adhérents doivent donc être capable d’apporter des solutions à leurs clients tout en étant informés et formés aux nouveaux produits. Avec le Plan eau, tout peut se développer très rapidement au niveau de la gestion des eaux grises et des eaux usées, par exemple. Il y a souvent deux facteurs à l’évolution d’un marché : la législation et le prix.

Zepros : Comment les installateurs peuvent-ils s’emparer de cette nouvelle demande ?

S. C. : Il faut que le consommateur ait toujours le même confort avec un minimum d'eau. Les nouvelles technologies vont augmenter le panier moyen sur les projets de rénovation de la salle de bains ou des installations sanitaires. Les professionnels doivent savoir proposer un projet complet d’économies d’eau avec des conseils mais aussi de l’accompagnement tout au long du chantier. L’UMGCCP est en discussion avec le Législateur pour valoriser les professionnels du secteur tout en proposant des formations en partenariat avec les industriels. L’idée n’est pas de créer un nouveau label mais plutôt d’utiliser les outils de qualification et de contrôle existants.

Le grand retour de la douche circulaire ?

Le salon ISH donne généralement une indication sur les évolutions à venir et les tendances dans le secteur de la plomberie et de la salle de bains. Alors que près de 40 % de l’eau consommée par un foyer l’est pour la douche et le bain, la salle de bains était l’un des thèmes majeurs durant l’événement allemand, avec un retour notable de la douche à recyclage d’eau sur le devant de la scène. Un concept qui ne date pas d’hier : Hansgrohe, via sa marque Pontos, avait déjà tenté de se lancer sur ce marché il y a une dizaine d’années. « Le concept consistait à recycler l’eau de la douche pour l’utiliser ensuite dans les toilettes. Malheureusement, il n’a pas trouvé son public à l’époque mais aujourd’hui plusieurs start-up ont présenté des projets similaires à l’occasion du salon ISH. Le marché doit accepter ce type de solution, particulièrement soumise à des certifications en Europe », raconte Claire Roucoulès, directrice du marketing et de la communication d’Hansgrohe France. Car si ce produit ne s’est pas démocratisé il y a une dizaine d’années, c’est pour plusieurs raisons.

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grohe

Tout d’abord, il y a le prix, cette douche circulaire restant un produit haut de gamme même si de nouveaux acteurs s’attaquent à ce marché, comme Ikea qui s’est associé avec l'entreprise danoise de systèmes de douche Flow Loop pour créer un dispositif qui recycle l'eau. Le second frein est l’acceptation par le marché et le besoin de pédagogie pour l’utilisateur qui peut avoir l’impression d’utiliser de l’eau “sale”. Enfin, le dernier frein concerne l’utilisation même du produit puisqu’il est nécessaire de changer le mode d’utilisation durant la douche. Par exemple, Grohe a récemment dévoilé son concept de douche circulaire baptisée Everstream. Elle fonctionne en trois étapes. On démarre sa douche de façon classique. Puis, une fois l’utilisation de shampoing et de savon terminée, l’utilisateur peut changer de mode : l’eau recueillie dans le drain est pompée dans un circuit qui va la purifier à l’aide d’ultraviolets, et la réchauffer pour la maintenir à la température souhaitée. Après utilisation, un nettoyage est effectué afin de préparer la douche pour le l’utilisateur suivant. Ce nouveau concept permettra de n’utiliser que 30 litres d’eau contre 120 litres avec une douche traditionnelle de 10 minutes, soit une économie de 75 % d’eau et de 65 % d’énergie.

Le polyéthylène en vedette antifuite

En moyenne en France, un litre d'eau sur cinq est perdu sur le réseau avant d'arriver au robinet du consommateur. Par endroits, les infrastructures sont vieillissantes et les fuites sont nombreuses. « C'est une situation aberrante que nous devons corriger en urgence », a estimé Emmanuel Macron le 30 mars dernier. Pour y remédier et accompagner les territoires les plus vulnérables, 180 des 475 millions d'euros d'aides supplémentaires des agences de l'eau « seront dédiés au petit cycle de l'eau » dès 2024. Au total, 170 “points noirs” où les fuites sont supérieures ou égales à 50 % ont été répertoriés par les services de l'État. Si de nombreuses technologies existent aujourd’hui pour détecter les fuites et intervenir rapidement de manière ciblée (techniques de détection basées sur l'écoute active, mouchards connectés qui enregistrent l'activité dans les tuyaux, images satellites thermiques pour repérer les zones chargées en eau…), l’enjeu est avant tout de renouveler les réseaux avec la meilleure solution technique pour les éviter. 

« Face aux limites des tuyaux en matériaux traditionnels, majoritaires dans les réseaux d’adduction et de distribution d’eau potable, les réseaux en polyéthylène (PE) constituent une réponse technico-économique concrète, tout en réduisant l’impact environnemental des chantiers. Les canalisations en polyéthylène assurent une résistance à toute épreuve : insensibles à la corrosion, adaptées à tous types de sols même humides ou corrosifs, résistantes aux mouvements de terrain et aux chocs sans risque de rupture grâce à leur grande ductilité. Elles apportent également des bénéfices notables à la mise en œuvre : disponibles en grande longueur réduisant ainsi le nombre de jonctions entre segments de canalisations, en barres ou en tourets pour s’adapter aux configurations de chantiers en milieu urbain ou rural », explique Alexandre Toulant, chef de marché, en charge des solutions d’eau potable, d’assainissement et d’irrigation chez Elydan.

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canalisations

Un nouveau label est né

Face à la situation actuelle, la gestion raisonnée des eaux pluviales s’impose. Les enjeux sont nombreux et essentiels : limiter l’imperméabilisation et les effets de l’artificialisation des sols, réduire les îlots de chaleur, aider au rechargement des nappes phréatiques, éviter des surcharges hydrauliques dans les réseaux d’assainissement. Pour répondre à ces enjeux, des formations sur deux jours sont organisées par la Capeb et la CNATP, permettant aux professionnels d’acquérir les compétences sur la récupération des eaux pluviale et la gestion de l’eau à la parcelle. À l’issue de ces formations, les professionnels peuvent obtenir le nouveau label Qualipluie, géré par l’association nationale Essor Durable (dont la CNATP, la Capeb et l’Atep sont les principaux membres).

Un classement pour s’y retrouver

L’installation de réseaux d’eau sanitaires et de chauffage est régie par différentes normes de qualité et de sécurité. Créé par le CSTB (Centre scientifique et technique du Bâtiment), le classement Ecau contribue à simplifier le choix des éléments de robinetterie qui composent l’habitat. Il permet de visualiser la performance d’un mitigeur pour répondre aux attentes de la clientèle. Il s’appuie sur 4 grands critères : la lettre E correspond aux économies d’eau et prend en compte le débit d’eau du robinet ou de la douche ; C représente le confort et se base sur l’aspect technique du mitigeur ou du mélangeur ; A, comme acoustique, se réfère au niveau de décibels de l’appareil ; U concerne l’usure en fonction de la durabilité du mitigeur. Les notes du critère E prennent en compte deux catégories pour évaluer le débit. Avec une pression de 3 bars, les débits pour les mitigeurs de lavabo et de cuisine sont les suivants : A = 4 à 6 l/mn ; B = 9 à 12 l/mn ; C = 12 à 16 l/mn ; D = 16 à 20 l/mn. Toujours avec une pression de 3 bars, les débits pour les mitigeurs de douche et baignoire sont les suivants : A = 4 à 12 l/mn ; B = 12 à 16 l/mn ; C = 16 à 20 l/mn ; D = 20 à 24 l/mn. Les notes du critère C sont décernées selon la conception de l’appareil et les différentes caractéristiques techniques qu’il propose. Un mitigeur simple affiche une note plus basse qu’un mitigeur thermostatique. Ainsi, plus la qualité technique est importante plus la note est élevée.

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classement Ecau

Bientôt la fin de l’eau potable dans les WC ?

Le Plan eau dévoilé par Emmanuel Macron prévoit de lever, dès 2023, les freins réglementaires à l'utilisation d'eaux non conventionnelles « pour certains usages domestiques ». Parmi elles, les eaux grises présentent un potentiel encore très peu exploité en France et le raccordement des chasses d'eau au réseau d'eau potable interroge de plus en plus. L'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire) n'autorise l'utilisation de ces eaux grises dans les bâtiments que pour des usages limités, dans des environnements affectés par des pénuries d'eau. Ces eaux doivent être traitées avant de servir trois usages potentiels : alimenter les toilettes, arroser des espaces verts (hors potagers) et laver, sous conditions, certaines surfaces extérieures. L’eau de pluie peut être utilisée comme une alternative à l’eau potable dans les WC, à condition d’avoir ruisselé sur une toiture inaccessible, d'être stockée dans une cuve (hors sol ou enterrée) et de ne pas contenir d'antigel.

La prudence des autorités sanitaires vis-à-vis des eaux grises s'explique par la crainte que ces liquides, qui restent non potables même après traitement, finissent par contaminer le réseau transportant l'eau destinée à la consommation humaine. Le gouvernement a annoncé, en mars, la préparation d'un texte pour accélérer la généralisation de la réutilisation des eaux grises dans les WC dans les logements, dans le respect des exigences sanitaires. Avec des décrets dans la construction neuve pour commencer car l'utilisation des eaux grises nécessite l'installation d'un double réseau, qui distingue les canalisations transportant ces fluides de celles raccordant l'eau potable. Une configuration inexistante dans les bâtiments anciens. Pour la rénovation, en attendant, de nombreux équipements sont aujourd'hui beaucoup moins gourmands en eau qu'autrefois et de nouvelles technologies ont fait leur apparition ces derniers mois.

À ISH, Laufen a, par exemple, présenté Save!. Il s’agit d’un WC à séparation d’urine respectant les standards et normes de l’industrie en vigueur. La cuvette en céramique récupère les urines avant qu’elles n’arrivent dans le bol, permettant leur valorisation, notamment en engrais.  L’urine détournée est récupérée via une tubulure formant un siphon et fermée par un couvercle anti-odeurs.

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Jérémy Becam
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