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CNR Logement : des déceptions à la hauteur des enjeux

Grégoire Noble
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Borne gouvernement CNR Logement

Le Conseil National de la Refondation - Logement a rendu ses conclusions ce 5 juin 2023. Si le gouvernement se félicite du travail accompli par le large groupe de participants aux trois groupes de travail (200 experts impliqués), et fait quelques annonces de mesures (PTZ étendu, développement du Bail réel et solidaire), les réactions des professionnels de la construction et de l’immobilier sont plutôt négatives. Tour d’horizon.

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Elisabeth Borne, cheffe du gouvernement, et Olivier Klein, ministre du Logement, sont intervenus ce lundi 5 juin pour présenter les conclusions du CNR sur le Logement, souhaité par le président de la République. Tous deux ont vanté la mobilisation et la qualité des échanges de tous les acteurs de la construction (promoteurs, constructeurs, bailleurs…) au long d’un processus de 6 mois. Réunis dans trois groupes de travail, baptisés « Redonner du pouvoir d’habiter », « Réconcilier la France avec la production de logements nouveaux » et « Faire du logement l’avant-garde de la transition écologique », les professionnels de tous horizons ont donné leurs idées et présenté les mesures qu’ils jugent nécessaires pour relancer la construction et soutenir la rénovation. Pas moins de 900 propositions ont ainsi été formulées puis synthétisées en 19 points. Mais le gouvernement n’en a sélectionné que quelques-uns pour commencer, et il a fait beaucoup de déçus…

Olivier Klein estimait pourtant que ce CNR constituait une « Union sacrée » où tous les participants œuvraient dans le même sens : pour donner un toit, abordable et digne, à tous les Français. Le ministre du Logement qui voit les mises en chantier s’effondrer et les rénovations stagner, souhaitait voir dans le CNR « une œuvre colossale mais utile, pertinente, de nature à répondre aux enjeux en cours, à court, moyen et long terme ». Dans la foulée, il tempérait toutefois : « Toutes les mesures ne seront pas mises en œuvre immédiatement », même si le sentiment d’urgence est partagé par tous. Car, « l’argent public est rare » et il sera difficile de mener l’ensemble des batailles de front, qu’il s’agisse de la rénovation du parc social, du soutien à la construction neuve dans le diffus ou des aides à l’investissement locatif… Et c’est Elisabeth Borne en personne qui a présenté les premières mesures adoptées pour répondre à la crise.
 

Des mesures techniques

Outre la mensualisation du taux d’usure actualisé par la Banque de France afin de ne plus bloquer les dossiers de prêt, la principale réponse à l’accès au logement pour tous est celle du prolongement du Prêt à Taux Zéro jusqu’en 2027. Ce PTZ sera « recentré sur le collectif neuf en zone tendue et sur l’habitat individuel en zone détendue mais sous condition de rénovation énergétique ». Cette mesure mobilisera 600 M€/an. Pour le prix élevé des logements, Elisabeth Borne dégaine une autre mesure : le Bail réel solidaire pour les ménages modestes, et le développement du logement intermédiaire à prix plafonné pour les classes moyennes, au moyen de prêts accordés par la Caisse des Dépôts à hauteur de 1 Mrd €. Sur l’épineuse question du foncier – qui va se faire de plus en plus rare avec l’obligation de Zéro Artificialisation Nette – la Première ministre dit miser sur la transformation de friches dans les zones tendues et sur des programmes de renouvellement urbain pour faire sortir de terre des nouveaux quartiers mixtes et abordables. Son gouvernement annonce travailler sur le droit de préemption des collectivités et sur l’évolution des règles des domaines.

À plus longue échéance, d’autres évolutions sont attendues, dont une adaptation des codes de la Construction et de l’urbanisme pour produire plus de logements et faciliter la transformation de bureaux vides en habitat. Pour Elisabeth Borne, « la construction hors site doit devenir une filière d’excellence grâce à France 2030 ». Afin d’accélérer la rénovation énergétique, qui constitue l’un des piliers de la stratégie nationale de transition écologique et de décarbonation, la cheffe du gouvernement souhaite « simplifier MaPrimeRénov’ pour les rénovations globales afin d’atteindre les 200 000 opérations en 2024 », et « faciliter l’accès au Prêt Avance Rénovation », afin que le reste à charge tende vers zéro pour les ménages les plus modestes. D’après la Première ministre, le logement – et plus largement la construction – devrait parvenir à créer plus de 200 000 emplois d’ici à la fin de la décennie.
 

Des réactions (très) négatives

Les représentants du gouvernement, tout comme François Bayrou (haut-commissaire au Plan), le martèlent : ce CNR n’est pas la fin d’un processus. Il s’agit au contraire d’une première étape dans une trajectoire qui va se poursuivre par d’autres échanges et d’autres mesures. Et il faudra bien ça pour contenter les professionnels de la filière qui se montrent très critiques. Olivier Salleron, le président de la Fédération Française du Bâtiment, par exemple, a directement interpellé le ministre du Logement et co-signé un communiqué au vitriol avec plusieurs autres organisations professionnelles (FNAIM, FPI, Procivis, Unis, Unsfa). On peut y lire : « Les annonces du gouvernement en matière de logement suscitent la colère des professionnels (…) Des mesures non chiffrées, ou pas à la hauteur des enjeux, montrent que le secteur n’a été ni entendu, ni sur la crise du logement neuf, ni sur les besoins en matière de rénovation énergétique, ni sur la réalité de la crise du marché immobilier vécue par les Français. Le gouvernement a-t-il conscience que la situation deviendra hors de contrôle et que toute la chaîne du logement continuera à se bloquer ? ». La FFB et ses partenaires estiment notamment que supprimer le dispositif Pinel sans aucun remplacement « c’est nier le rôle du parc locatif privé pour la mobilité de nombreux Français ». Ils surenchérissent : « Ne rien prévoir en soutien des travaux de rénovation énergétique, après avoir annoncé qu’il faudrait investir 48 Mrds € de plus par an pour répondre aux objectifs, c’est aller droit dans le mur ». Alain Tur, p-dg d’AST Groupe (constructeur de maisons individuelles) estime de son côté que « les annonces, qui déçoivent déjà la plupart des professionnels du secteur, sont jugées trop faibles pour remédier à la crise du logement ».

Dans le monde politique aussi, les réactions sont vives. La Commission des Affaires économiques du Sénat fait part de ses sentiments dans un communiqué intitulé « Logement : déception et désillusion au lieu de refondation ». Les sénateurs voient dans les solutions adoptées des « mesures techniques, partielles et de court terme ». Ils souhaitent un soutien aux maires bâtisseurs, la suppression ou l’allègement de la réduction de loyer de solidarité pour les bailleurs sociaux, un soutien à l’investissement locatif avec l’adoption d’un statut de bailleur privé, puis un déblocage du parcours résidentiel pour accéder à la propriété, ce fameux « rêve français ». Sophie Primas, présidente de la commission déclare : « Ce CNR Logement est un véritable rendez-vous manqué. Les conclusions témoignent d’une incompréhension totale à la fois des investisseurs petits et grands, trop taxés, trop ponctionnés au profit de politiques publiques que l’Etat devrait financer lui-même, des entreprises qui s’inquiètent de l’avenir d’Action Logement pour leurs salariés, des élus locaux à qui on ne donne plus les moyens d’accueillir de nouveaux habitants, des territoires face aux injonctions contradictoires (…) Le logement est envisagé comme le premier poste d’économie budgétaire et la dernière des priorités par le gouvernement ». L’Union sacrée semble bien être réalisée… mais pas avec les ministres.

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