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[Ciment bas carbone] L’ACT 1 du partenariat commercial entre Ecocem et Point.P

Stéphane Vigliandi
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Laboratoire R&D d'Ecocem.

Après avoir engagé fin 2022 une coopération en matière de R&D entre le cimentier irlandais − connu pour sa production de laitier moulu de hauts-fourneaux − et deux de ses filiales (Chryso et l’activité mortier de Weber), Saint-Gobain concrétise un partenariat commercial pour son enseigne Point.P. Selon Ecocem, sa technologie ACT permet de décarboner la production de ciment jusqu’à 70 %.

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En route vers le “Net Zero Concrete” en 2050* ! Entre le géant des matériaux de construction et Ecocem, spécialisé dans les solutions à faible teneur en carbone (liants, bétons, mortiers, coulis, etc.), la collaboration continue de s’élargir. Début octobre 2022, le groupe Saint-Gobain officialisait « une coopération ambitieuse en matière de R&D entre Ecocem et Chryso [l’une de ses filiales axée sur la chimie du bâtiment] pour accélérer le développement d’adjuvants haute performance qui permettra le développement de ciments bas carbone » via une licence de fabrication.

Non exclusif, cette coopération doit aussi « couvrir l’activité mortier Weber en Europe occidentale », ainsi que « les activités de distribution et de fabrication de béton de Point.P en France ». Mi-juillet, l’enseigne phare du groupe a annoncé, à son tour, être entrée dans le dur du projet aux côtés de l’irlandais Ecocem dont Saint-Gobain est actionnaire à hauteur de 25 %.

« Déjà engagé dans une solide relation commerciale avec Ecocem pour ses activités Solutions Béton et Préfabrication », le distributeur multispécialiste étend aujourd’hui sa coopération pour « développer et diffuser sur le marché des nouveaux liants bas carbone », selon un communiqué commun.
* La Global Cement and Concrete Association (Association internationale des industries du ciment et du béton) a déployé en 2021 sa feuille de route pour décarboner la filière à l’horizon 2050.

La production de ciment est responsable d’environ 7 % des émissions mondiales de CO2. Ce niveau élevé est lié aux process de fabrication du clinker. Les technologies de captage et de stockage de carbone nécessaires à sa décarbonation exigent de lourds investissements et des coûts d’exploitation élevés.

Technologie de rupture et E/C de… 0,25

Alors que l’industrie cimentière a déjà mis en œuvre des technologies de captage et de stockage du CO2 pour réduire son empreinte carbone, des experts de la GCCA estiment que ces process ne devraient pas permettre d’absorber plus de la moitié des émissions de la filière.

Réponse d’Ecocem ? Sa solution baptisée ACT (pour “Acuna Cement Technologie”) qu’il avait dévoilée à la fin 2022. Elle est le résultat de dix ans de R&D menée en partenariat avec l’École nationale supérieure Paris-Saclay et l’Institut national des sciences appliquées de Toulouse.

La société familiale irlandaise la présente comme « une technologie de rupture » affichant une faible teneur en clinker (entre 20 % et 30 %) et composée de 10 % à 20 % de laitier, des fillers*, ainsi qu’un adjuvant chimique... « spécifique ».
* Synonymes d’addition minérale fine, les granulats fillers ont taille inférieure à 0,063 mm ; soit 63 μm.

Le béton est le 2e produit le plus consommé au monde, juste derrièrel’eau. Il s’en fabrique près de 14 milliards de m3 par an selon la Global Cement and Concrete Association (GCCA) : soit ± 2 m3 par habitant.

La technologie ACT permettrait ainsi de « réduire l’empreinte carbone des ciments jusqu’à 70 % », assurait en substance Conor O’Riain, le directeur général Europe d’Ecocem, à l’automne dernier, tout abaissant la consommation d’eau jusqu’à 50 %. Et là, c’est une différence fondamentale comparée aux produits traditionnels.

Avec un rapport eau-ciment (E/C) du mélange de béton frais de l’ordre de… 0,25 − quand ce ratio est en général compris dans un intervalle situé entre des valeurs limites de 0,40 à 0,60. Grâce à sa formulation, Ecocem cible principalement le marché de type CEM II (ciment Portland composé) majoritairement employé sur les chantiers.

« L’objectif commun est d’accélérer en France le large déploiement de ciments bas carbone tant sur le marché du béton prêt à l’emploi que sur celui de la préfabrication. »
Olivier Guise, directeur exécutif d’Ecocem

Production sous licence

Entre le fabricant irlandais et Point.P, le partenariat porte désormais sur la commercialisation de ciments ACT dont la rhéologie n’est pas affectée. Selon les deux partenaires, la technologie « augmente les performances mécaniques et la durabilité des bétons ».

Si ACT a déjà fait l’objet d’une validation technique, mais aussi d’essais industriels et de chantiers-tests positifs, il ne dispose pas encore du marquage CE. Cette étape est prévue, a priori, courant 2023.

La technologie est mise à disposition de la filière cimentière pour licencier la solution ACT ; les différents industriels signataires pouvant également s’approvisionner en fillers auprès d’Ecocem. Ce business-model devrait permettre de massifier la production de ciments dits “bas carbone”. Le lancement commercial d’ACT sur les marchés européens est, lui, annoncé à l’horizon 2025.

D’ailleurs « dès 2025, et une fois la certification d’ACT obtenue, Point.P s’engage à déployer [ce type de ciments] dans son réseau de distribution, de centrales à béton et d’usines de préfabrication », confirme le leader de la distribution Bâtiment.

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Conor O'Riain, Dg d'Ecocem Global.
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Sacs de ciment bas carbone Ecocem.
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Ecocem - Usine de Fos-sur-Mer (13).
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Laboratoire R&D d'Ecocem.
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Chantier du Grand Paris Express.

ACT 1... Puis ACT 2, voire ACT 3 ?

À terme, ACT devrait être amené à se substituer aux autres gammes classiques proposées aujourd’hui par Ecocem dont l’un des sites de R&D se trouve à Champlan, dans l’Essonne − non loin de l’ENS Paris-Saclay.

Il pourrait donc y avoir une technologie ACT 2, voire ACT 3. Et autant de ciments à faible teneur en CO2 s’appuyant sur cette technologie comme il existe aujourd’hui autant de ciments CEM II que de cimentiers ?

En attendant, Nicolas Godet, le directeur général de Point.P, rappelle que « ce partenariat s’inscrit parfaitement dans notre feuille de route de baisse de nos émissions carbone et dans le déploiement d’une offre de solutions bas carbone. […] Nous travaillons ainsi à atteindre la neutralité carbone à 2050, en phase avec les ambitions du groupe Saint-Gobain ».

Une façon aussi de faire écho à la base line de l’industriel irlandais : “Decarbonisation. Don’t just commit, ACT” (pour : “Décarbonation. Ne vous contentez pas de vous engager, Agissez”). À Lyon, Conor O’Riain, le directeur général d’Ecocem Global, interviendra d’ailleurs à l’occasion de l’édition 2023 de la CarbonZero Global Conference & Exhibition qui se tient les 26 et 27 octobre.

À propos d’Ecocem Global

Basée à Dublin, l’entreprise familiale a été fondée en 2000 pour développer, produire et proposer des technologies cimentaires à faible teneur en carbone en Europe. Ses ciments dits “bas carbone” sont issus du laitier granulé de haut-fourneau qui sont produits dans ses quatre usines : une en Irlande, une aux Pays-Bas et deux en France.

• Ecocem France a été créé en 2007 − fruit d’une joint-venture avec la filiale Méditerranée d’ArcelorMittal, le numéro un mondial de l’acier. Son premier site industriel se trouve à proximité des deux hauts-fourneaux d’Arcelor à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) où est produit du laitier moulu sous la marque Ecocem qui est utilisé en substitution partielle du ciment classique dans la fabrication des bétons. Opérationnelle depuis mi-2018, la seconde usine a été implantée près du complexe sidérurgique d’Arcelor à Dunkerque (Nord).

Stéphane Vigliandi
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