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Accompagnement généralisé, plateforme unique, financement simplifié… toutes les pistes pour (enfin) massifier la réno

Grégoire Noble
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[Zepros Bâti] Comment parvenir à lever les freins existants à la réhabilitation massive des logements en France ? Telle était la question à laquelle devait répondre Olivier Sichel (directeur général délégué de la Caisse des Dépôts et directeur de la Banque des Territoires), chargé par Bruno Le Maire et Emmanuelle Wargon de produire un rapport. Parmi les propositions figurent l’instauration d’un accompagnement obligatoire généralisé, la fiabilisation d’un parcours simple pour les ménages et professionnels, et la mise en place d’un financement convaincant et inclusif.

La rénovation thermique des logements peut-elle être universelle ? Comment faire pour enfin convaincre la totalité de la population de se lancer dans des travaux afin d’améliorer la performance énergétique de leur logis ? En décembre 2020, le ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance, Bruno Le Maire, et la ministre déléguée au Logement, Emmanuelle Wargon, ont missionné Olivier Sichel, pour constituer une « task force resserrée », constituée de banques, d’ONG, de fédérations professionnelles (Capeb, FFB, Fnaim, Soliha) d’institutionnels (Ademe, Anah) et d’opérateurs (EDF, Engie, Effy). Ce groupe de travail s’est réuni trois fois et a formulé une quinzaine de propositions réparties en trois grandes familles : accompagnement, parcours et financement. Les voici plus en détails.

Après « MaPrimeRénov’ » voici « Mon Accompagnateur Rénov’ »

Première constatation, face aux 4,8 millions de passoires énergétiques à traiter en 10 ans, l’offre actuelle consolidée autour du service publique (réseau Faire) et des opérateurs existants (Anah) « apparaît sous-dimensionnée, même si le programme SARE enclenche une croissance des moyens ». D’où la nécessité de faire appel aux secteurs privé et associatif, capables de garantir la qualité du conseil et de l’exécution des travaux. Le rapport propose de créer un service d’accompagnement global intitulé « Mon accompagnateur rénov’ », sorte de tiers de confiance qui sécuriserait le parcours des ménages, quels que soient leurs revenus, de bout en bout. Ce « guide spirituel » proposerait des interventions adaptées à partir d’un audit, préparerait le plan de financement et les démarches pour obtenir des aides, puis le bon déroulement du chantier. « Plutôt que de privilégier un opérateur national unique centralisé, le choix est de s’appuyer sur un réseau d’accompagnateurs inscrits dans les territoires », qui pourraient se constituer en réseau national. Trois types d’accompagnateurs pourront être distingués : pour des actes successifs, inclus dans un contrat de travaux, et inclus dans un portage avec intermédiation. « Seule la 1re catégorie garantit de facto au ménage une neutralité complète vis-à-vis de l’exécution des travaux, tandis que les deux autres présentant l’avantage de solutions tout-en-un qui établissent un lien direct entre accompagnement obligatoire et travaux, mais qui peuvent engendrer des risques de mauvais rapport qualité/prix ou d’orientation privilégiée vers certaines solutions », souligne le rapport. Le mieux sera donc d’inscrire tous les accompagnateurs dans un agrément spécifique, constituant un engagement de qualité vérifiable pour les propriétaires. Pour chaque opération, l’accompagnateur agréé « sera tenu de proposer au minimum un scénario de travaux de niveau BBC et un scénario dégradé (notamment en cas de contraintes techniques ou financières qui ne permettent pas d’envisager une réhabilitation BBC) ». En contrepartie de quoi, l’Etat subventionnera le coût de l’accompagnement en favorisant les ménages les plus modestes. Le budget estimé par la mission est de 370 M€/an. Le rapport propose également qu’une obligation d’audit soit instaurée au moment de l’acquisition d’un logement ou d’une étape critique (copropriétés).

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… et « MonServiceRénov.fr »

Pour clarifier le parcours, Olivier Sichel avance l’idée d’une plateforme pour tous les usagers et acteurs de la rénovation nommée « MonServiceRénov.fr » qui centraliserait les prises de rendez-vous avec un accompagnateur et faciliterait le pilotage des dossiers. Ce service devra bien entendu être articulé avec les différents points d’entrée (espaces Faire, Maisons France Service, collectivités locales, artisans…) afin d’y faire tout converger et qu’il soit le plus universel et inclusif possible. Le dossier pourra s’adosser au « Carnet d’information du logement », transmissible lors des mutations aux nouveaux occupants, afin de tracer l’ensemble des étapes conduisant au niveau BBC. Il contiendra les documents, relevés et factures liés aux consommations d’énergie, aux demandes d’aides et aux travaux réalisés. Dans le cadre du parcours, il sera également proposé de créer un « Compte Rénovation » permettant de sécuriser les différentes transactions financières (fonds mobilisés hors épargne et revenus personnels), en centralisant les aides publiques et les compléments éventuellement apportés par des banques pour compléter le reste à charge. Cet outil sera utile à assurer la conformité de l’emploi des sommes allouées en séparant la comptabilité du projet de la trésorerie des ménages, tout en permettant aux entreprises de percevoir régulièrement le paiement de leurs travaux sur présentation de facture. Il participera également à la lutte contre la fraude.

Côté financement justement, la mission Sichel avance plusieurs pistes. La première consiste à verser les aides plus tôt, pour les ménages modestes et les copropriétés, par avances de subventions. Une mesure pour accentuer l’effet déclencheur et accroître la solvabilité des demandeurs. Les plus précaires peuvent déjà recevoir 70 % des aides Habiter Mieux Sérénité et MaPrimeRénov’ mais le rapport préconise d’élargir cette mesure : « L’impact budgétaire devrait être limité. En effet il s’agirait essentiellement d’un impact sur la trésorerie de l’Anah la première année, les avances des aides étant versées en moyenne 8 mois plus tôt que les aides ». Il suggère également de prendre en compte le niveau d’ambition énergétique et le niveau de revenu des ménages, mais également la typologie de logement (pavillon individuel ou appartement). Cette évolution impliquerait de revoir les plafonds de certaines aides pour subventionner les travaux les plus ambitieux et éviter des effets de seuils. Le but : réduire encore le reste à charge pour les familles modestes. Cette question du montant réel à débourser reste en effet centrale pour déclencher l’acte de rénovation. Parmi les dernières propositions, figurent une augmentation du montant du Prêt à taux zéro pour les rénovations globales, jusqu’ici plafonné à 30 000 €, et la poursuite d’une expérimentation de délivrance par des sociétés de tiers financement, actuellement menée par Ile-de-France Energies et SPEE Hauts de France. Enfin, Olivier Sichel estime nécessaire de créer le « Prêt Avance Mutation + » une solution de financement pour les ménages n’ayant pas accès au crédit bancaire, notamment les couples âgés de plus de 65 ans. Un dispositif qui serait pertinent pour des restes à charge supérieurs à 5 000 €, et qui pourrait être porté par des banques publiques (Caisse des Dépôts, Banque Postale).

Enfin, concernant la formation des professionnels de la réhabilitation, le directeur général délégué de la Caisse des Dépôts rappelle l’expérience de son établissement dans la gestion du Compte formation (CPF) et avance qu’il pourrait s’engager pour assurer la montée en compétence, « notamment en cartographiant avec France Compétences des certifications adaptées aux enjeux de rénovation globale, en contribuant à créer des certifications adéquates le cas échéant, en prévoyant l’éligibilité au CPF, en réfléchissant avec les branches professionnelles pour abondement de ces certifications via le CPF… ». Le chemin semble donc encore long avant de parvenir à simplifier réellement tous les dispositifs et coordonner tous les acteurs, depuis les institutions publiques jusqu’au ménages, en passant par les banques et les entrepreneurs du bâtiment, afin qu’ils bénéficient d’une information claire, précise et partagée et de financements accessibles et efficaces.

G.N.

Grégoire Noble
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